Mais quel métier fait-on? Finalement, quel sens donne-t-on à notre pratique?
Mais comment pratique-t-on notre métier?
Pour tout vous dire, je ne sais plus quoi penser…
Après bientôt 22 ans de pratique de la diététique en consultation individuelle dans la région de Charleroi, Sophie Schoelinck nous livre ses réflexions intimes à propos de son métier...
Au détour de la lecture d’un article publié par une collègue, je lis : « [...] et n’oubliez pas vos 20 à 25g de fruits oléagineux TOUS les jours.»
J’ai lu et relu la phrase, et quelque chose en moi réagit... Je ressens une certaine sensation d’inconfort, et je me demande pourquoi.
C’est vrai que, rationnellement et nutritionnellement parlant, ça se justifie, oui ; notamment pour favoriser l’apport d’acides gras de bonne qualité, c’est une solution. Alors, pourquoi je ne passe pas mon chemin face à cette suggestion qui, pourtant, semble justifiée ? Et bien pour deux raisons majeures.
La première concerne le comportement alimentaire qui comprend les attitudes saines à adopter pour contribuer à une bonne santé. De mon humble avis, cela consiste (aussi) à intégrer une certaine flexibilité dans ses habitudes. De cette façon, on admet que quelque chose de strict, d’obligatoire et/ou de récurrent constitue une restriction cognitive et délibérée ; c’est s’orienter exclusivement vers une alimentation fonctionnelle plutôt qu’une alimentation qui inclut la notion de plaisir.
« Obliger à » signifie qu’il n’est pas autorisé, voire interdit, de faire autre chose. Cette attitude empêche l’autonomie : « Je mange ce que l’on me dit et non pas ce que je choisis ».
Le fait de mettre « TOUS » en lettres majuscules titille la culpabilité : « Si je n’atteins pas l’objectif dicté par un.e spécialiste, je suis nul.le ». Cela revient à bloquer le comportement de la personne qui lit avec des règles strictes qui éludent le libre choix du patient et, pire, rendent ce dernier dépendant des injonctions fonctionnelles basées sur une alimentation censée agir efficacement. Ce genre de propos répond aux attentes de certains patients qui consultent, sous-entendu : « Dites-moi ce que je dois faire précisément et je le ferai. » Mais dans quelle mesure cela peut-il être appliqué et maintenu à long terme ?
Ma deuxième réflexion s’ouvre sur l’aspect financier. Il est vrai que je suis originaire d’une région à plutôt faible revenu. J’envisage l’alimentation comme un outil favorable à la santé et non comme une longue liste de contraintes, sans plaisirs gustatifs. Bien au contraire, à mes yeux, l’alimentation constitue un ensemble de plaisirs dont je ne me prive pas et qui contribuent à ma bonne santé. Et c’est assurément cela qui détermine ma pratique auprès de mes patients.
Tout ça pour dire quoi ? J’y viens...
En lisant « [...] et n’oubliez pas vos 20 à 25g de fruits oléagineux TOUS les jours. », je me suis dit que non seulement ça m’ennuierait de peser et manger des fruits oléagineux tous les jours, mais en plus, je me demanderais combien me coûterait cette petite habitude qui paraît anodine.
J’ai donc fait des recherches, et j’ai comparé.
J’ai relevé les prix dans différentes grandes surfaces – Oui, je sais, j’aurais également pu aller dans des magasins de vente en vrac, mais ça n’aurait pas changé ma vision de la situation.
Voici donc le fruit de mes recherches en quelques chiffres.
Dénomination |
Grande surface |
Prix |
poids |
Coût/an/personne |
mélange de noix |
Carrefour |
3,09 € |
300 g |
94,00 € |
mélange de noix |
Carrefour Bio |
4,5 € |
160 g |
256,60 € |
Mélange de noix |
Alesco Lidl |
1,99 € |
200 g |
90,80 € |
Mélange de noix |
Delhaize |
3,99 € |
160 g |
227,60 € |
Mélange de noix |
Aldi |
2,79 € |
150 g |
169,70 € |
Mélange de noix |
Colruyt |
11,66 € |
500 g |
212,80 € |
TOTAL : |
175,20 € |
Dois-je aller plus loin ?...
En moyenne, cela vous coûtera 175,20 euros par an et par personne !
J’ajouterai, et cela n’engage que moi, que les personnes qui adopteront ce comportement alimentaire seront sensibles à l’aspect « safe » en pesticides et autres composants indésirables. Donc, elles se tourneront plutôt vers des produits Bio...ce qui nous amènera à un autre débat.
Mais alors, à combien s’élève la dépense annuelle d’une famille de quatre individus, par an ?!
Le calcul est simple, vous multipliez par quatre.
Soyons honnêtes, seriez-vous prêt.e à débourser 700 euros par an, rien que pour ce petit geste mécanique quotidien ? Poser la question, c’est déjà y répondre...
Sophie Schoelinck, diététicienn.e-nutritionniste près de Charleroi se demande à qui s’adresse ce genre de phrase-conseil : « [...] et n’oubliez pas vos 20 à 25g de fruits oléagineux TOUS les jours. », dans la conjoncture actuelle de crise économique.
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