Les régimes intermittents, jeûnes et poids Peut-on perdre du poids grâce aux jeûnes et aux régimes intermittent?
Sophie Schoelinck, diététicienne-nutritionniste depuis plus de 20 ans, décortique pour nous les nouvelles approches dans la pratique des régimes, notamment les programmes de « jeûne intermittent » et leur efficience sur la perte de poids.
Les jeûnes intermittents regroupent différents types de régimes basés sur une alternance de restrictions alimentaires drastiques (jeûne intense) et une alimentation normale à modérée durant une semaine ou une journée. Mais tout d’abord, quels sont les avantages et inconvénients du « jeûne intermittent » ? A qui cela s’adresse-t-il ? Quelles en sont les indications ? Il sera sans aucun doute intéressant de s’informer avant de tirer une conclusion hâtive.
Derrière les mots « jeûne » et « intermittent » se cachent diverses pratiques. L'objectif affiché est d’éviter les contraintes et les restrictions en continu, c’est-à-dire, observer une alternance de périodes de jeûne avec d’autres de relâche.
Ces pratiques se basent sur les principes de la chronobiologie alimentaire, selon laquelle notre corps a besoin de certains nutriments à des moments particuliers de la journée ; elles mettent en avant que la quantité totale des calories ingérées en vingt-quatre heures serait inférieure aux besoins réels, entraînant ainsi une perte de poids.
Parmi les différents programmes de jeûne intermittent, le plus courant consiste à alterner deux jours de restrictions alimentaires sévères – environ 500 kcal pour les femmes et 600 kcal pour les hommes, soit environ 25% des besoins caloriques par jour –, et cinq jours « libres » avec de restrictions modérées représentant plus ou moins 75% des besoins caloriques journaliers. Certains protocoles proposent une semaine – ou un jour – sur deux de restrictions drastiques en alternance avec une restriction légère.
En tant que professionnel.le.s de la santé, nous reprochons à ces protocoles que leur efficacité n'est pas étayée par des études scientifiques correctes en double aveugle, études randomisées ou avec un groupe-contrôle. Il n'y a pas vraiment d'études ou de publications sérieuses qui permettent de justifier valablement l’efficacité de ces pratiques.
Une autre méthode de jeûne intermittent, appelée TRF pour Time-Restricted Feeding, très populaire, consiste à pratiquer ce jeûne durant vingt-quatre heures, avec huit heures de prise alimentaire suivies de seize heures de jeûne complet.
Le ramadan est parfois, lui aussi, considéré comme un jeûne intermittent, mais il s’appuie plutôt sur une inversion des rythmes alimentaires obligeant de jeûner entre le lever et le coucher du soleil.
Il a été observé, chez les souris, que les régimes de jeûne intermittent méritent de s'y intéresser car ils auraient des effets encourageants non négligeables sur la production d’insuline (et donc sur la glycémie) ainsi que sur d'autres hormones. Plusieurs autres études ont également été réalisées en laboratoire, avec des souris, démontrant un certain intérêt dans la gestion du poids.
Des études complexes complémentaires auraient été menées sur des individus, mais obtenir leur adhésion au programme fut un très gros problème. Outre cette difficulté majeure, la perte de poids était quasi identique entre le groupe de personnes ayant respecté des restrictions de deux jours par semaine et cinq jours d'alimentation avec restriction légère, celles qui ont appliqué ces restrictions un jour ou une semaine sur deux, et celles du groupe pour qui les restrictions étaient quotidiennes, et ce, quelle que soit le type de programme ou son rythme.
D’autres recherches ont été réalisées sur des individus triés en fonction de leur indice de masse corporelle (IMC) ; après un an de régime restrictif, quel qu’en soit le type, la perte de poids en masse grasse était d’environ trois kilos en l’espace d’un an.
Certains sujets ont eu le courage d’aller jusqu'au bout du programme et ont reçu 50 dollars ; ceci explique peut-être cela, c’est-à-dire que la somme promise les a probablement motivés pour terminer l'étude, car peu d’entre eux sont allés jusqu’au bout.
Par ailleurs, chez des personnes qui avaient un IMC compris entre 25 et 40 (kg/m2), aucune différence n'a été démontrée concernant le pourcentage de tissu adipeux viscéral perdu, ou une éventuelle modification de certains paramètres métaboliques (cholestérol, glycérides, triglycérides,…). Hormis un effet sur la perte de poids, d'autres paramètres ont été observés comme une diminution de l’apport en vitamines, en sels minéraux et en sucre dans le cadre des régimes de jeûne intermittent. Néanmoins, pour les fibres et la vitamine C les apports étaient plus élevés.
L'aspect plus négatif, était le score de restriction cognitive. De quoi s’agit-il ?
La restriction cognitive est une complication de la pratique des régimes à répétition. En cherchant à manger moins, c’est le contraire qui se produit : la personne finit par manger plus, et plus mal ! Cela augmente la frustration, contribue au risque de pulsions alimentaires compensatoires, favorise une sensation d'inconfort voire de punition, dégrade l’estime de soi et induit de la mauvaise humeur. Le risque est donc élevé de repartir vers des habitudes alimentaires (très) préjudiciables...
Parmi les méta-analyses qui ont été réalisées, peu sont réellement bien menées et ne présentent pas grand intérêt. Aucune n'a pu démontrer une perte de poids significative et différente en fonction du type de régime intermittent. De plus, une perte de poids de la masse maigre a été observée avec le jeûne intermittent, ce qui n'est pas recommandable.
D'autres critères ont également été analysés, notamment ceux visant l'impact sur l'appétit, la sensation de faim, et le stress. Sur ce dernier point, les conclusions sont encourageantes et permettraient de retrouver un meilleur rythme santé à travers l’alimentation. Le fait de prendre le temps de manger régulièrement, de s'occuper de soi, de s'appliquer à s'écouter a un effet sur le stress.
En conclusion, les régimes s’appuyant sur le jeûne intermittent séduisent, et ont beaucoup de succès actuellement ; ils sont utilisés essentiellement dans la gestion du poids. Les médias vantent leurs principes moins contraignants, comparativement aux diètes restrictives. Malheureusement aucune étude sérieuse ne peut venir renforcer l'idée qu’ils sont une solution qui s’inscrit dans la durée.
La problématique de la faible compliance pour ce type de régime ne nous a pas échappé, l'enthousiasme des participants baissant significativement au cours des études proposées. Il est même prudent d’émettre une réserve car le risque de reprise de poids au-delà de six mois existe bel et bien.
Sophie Schoelinck, diététicienne à Montigny-le-Tilleul, se pose la question de la pertinence de ce type de méthode pour parvenir à une perte de poids satisfaisante car, selon elle, cela reste un régime parmi tant d'autres avec un grand risque de frustration(s) et de restriction cognitive.
Que se passe-t-il après avoir suivi un tel protocole ? Est-ce que le patient va réellement se remettre en question par rapport à son propre comportement alimentaire ? Les régimes incluant le jeûne intermittent ne sont-ils pas, une fois de plus, un énième moyen à la mode flattant les mérites d'une solution miracle en vue d'une diminution de poids ? Même si ces régimes paraissent intéressants à court terme, ils ne semblent pas être une solution qui assure un résultat durable dans le temps.
Néanmoins, dans le cadre d’une prise en charge globale, cette option peut éventuellement être une étape à proposer aux patients qui en sont demandeurs. Pourquoi pas ? Cela étant, tous les facteurs, notamment psychologiques et comportementaux seront régulièrement évalués pour s’assurer d’éviter un effet rebond.
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