L'écoute, est-elle une évidence en séance? Comprendre pourquoi écouter est un art
SAVOIR ÉCOUTER EN SÉANCE, TOUT UN ART...
Sophie Schoelinck, diététicienne et hypnothérapeute dans la région de Charleroi, souhaite partager ici sa vision du « savoir écouter » ; une qualité primordiale, selon elle.
Pour nous, elle se livre en se référant à son expérience personnelle, acquise tout au long de ses consultations privées. Voici ce qu’elle nous dit :
« Vous est-il déjà arrivé, à la fin d’un échange, d’avoir le sentiment de ne pas avoir été écouté.e ? Lors d’une conversation avec un.e ami.e, un parent, un enfant, dans une institution de soins, un magasin, au cours d’une réunion de travail,... les occasions sont nombreuses.
À la question « Comment vas-tu ? », il m’arrive régulièrement de répondre en prenant le temps de dire ce qui me tracasse réellement, à ce moment-là, si tel est le cas. Je suis souvent frustrée de recevoir, en écho, une surenchère des préoccupations personnelles de mon interlocuteur.trice, ou bien l’explication d’un sujet au lien supposé. Parfois, la personne qui m’a gentiment posé la question m’impose son point de vue sur ce que je lui ai dit, y ajoutant même des conseils, voire un jugement.
C’est exactement cela que je souhaite développer ici. »
Personnellement, je me confie facilement à un.e ami.e sur ce que je traverse et/ou me préoccupe. À ma grande surprise – mais sans porter aucun jugement –, j’entends parfois en retour des propos assez marrants, simplement parce que la personne n’a pas tout écouté jusqu’au bout.
Mais quelles sont les raisons qui nous poussent à donner un avis ou des recommandations, alors qu’on ne nous le demande pas ? Est-ce le contexte ou le type de relation qui favorise cette attitude ? Le manque de temps ? Si la personne est pressée, on pourrait légitimement se dire qu’elle n’aurait pas dû nous poser cette question. Nous pouvons également supposer qu’elle n’a pas écouté attentivement la réponse que nous lui avons formulée, et encore moins pris le temps de développer son propos.
Aussi absurde que cela puisse paraître, sommes-nous moins écouté.e lorsque nous prenons le temps de répondre en toute sincérité à quelqu’un qui nous demande comment nous nous sentons ? Le même sentiment de frustration peut-il se manifester lorsque la réponse se veut « nombriliste » qu’elle n’a rien à voir avec ce que nous avons exprimé, alors que nous pensions nous adresser à une « oreille accueillante » ? Pourquoi avons-nous tendance à nous sentir obligé.e de répondre par une interprétation strictement personnelle, un avis ou un conseil dont l’autre n’a que faire ? Cette question me taraude car cela m’est arrivé plusieurs fois ; depuis lors, j’y prête plus attention et je réalise que ce comportement est courant.
Petit florilège d’anecdotes personnelles :
Alors que je cherche vainement un article que je ne trouve pas, dans un magasin, je demande de l’aide à un vendeur. Celui-ci m’interrompt abruptement dans ma description de l’article en question et m’indique un rayon. Je reviens vers lui les mains vides et, à ma grande surprise, je l’entends me dire : « Si vous me l’aviez expliqué, je vous aurais indiqué le bon rayon. » Euh... cherchez l’erreur ! Désappointée, je fulmine intérieurement en me disant que les explications il les aurait eues, et qu'elles auraient été les mêmes s’il avait pris le temps de m’écouter, au lieu de me couper la parole.
Dernièrement, rentrant de l’école, je constate qu’un des pneus de ma voiture est crevé. J’en informe une personne de mon entourage qui m’envoie ce message : « Attention, si tu as un clou, fais ceci et roule lentement ; si tu as une entaille, c’est autre chose, mets-toi sur le bord de la route, en sécurité avec un gilet fluo » !
Sauf que... je suis chez moi, et que tout est déjà organisé pour le lendemain. Bien évidemment, je sais que cette personne, qui m’est proche, n’était pas malintentionnée, mais cela m’a amenée à me demander pourquoi nous sommes enclin.e à donner des conseils dirigistes, alors qu’il n’y a aucune demande formulée dans ce sens ?
L’autre jour, je parle de mon travail avec une personne, psychologue de son état, et plus âgée que moi ; je lui explique mes difficultés à trouver des psychologues en ambulatoire avec qui je pourrais collaborer pour travailler sur la question des TCA (Troubles du Comportement Alimentaire). Pour toute réponse, je reçois des références bibliographiques, une comparaison analytique et idéaliste de la pratique d’une diététicienne qui a écrit un livre, et des conseils pour exercer mon travail dans ma spécialité.
Alors, que se joue-t-il ici ?
Je m’exprime, j’échange, je ne demande rien, et je suis censée dire merci !? Face à cette prétendue bienveillance, mon ressenti est mitigé, empreint d’agacement et...d’indignation. Je m’interroge : pourquoi ? Voici quelques pistes qui me guident dans ma réflexion :
- Est-ce un réel besoin d’aider, de se sentir utile ?
Mais alors, ne serait-il pas judicieux de me demander si j’ai besoin d’aide ? Et si oui, en quoi ?
Quelles sont, à l’heure actuelle, mes connaissances en la matière ?
Ai-je besoin d’être conseillée pour ma pratique professionnelle ?
Quelle est mon niveau d’expérience ? Je rappelle tout de même que j’exerce depuis plus de vingt ans...
- Est-ce l’expression d’un jugement : « JE considère ta pratique comme ayant besoin d’un recadrage ; tu es dans le faux et JE vais te mettre sur le bon chemin » ?
- Est-ce le besoin impérieux d’avoir raison ? Est-ce que cela sous-entend : « J’ai la connaissance, mais pas toi» ?
Personnellement j’y vois un exemple criant de paternalisme qui me signifierait : « JE me positionne « au-dessus de toi » ; JE vais t’apprendre ce que toi tu ne sais pas » et ce, dans une attitude pédante affichant son omniscience, puisque les soi-disant conseils visaient ma pratique professionnelle.
Bref, en recevant ces informations, je me suis sentie « non écoutée » et encore moins « entendue ».
Que de fois n’ai-je entendu : « J’avais raison » ; « J’avais bien compris » ; « Oui oui oui, c’est ce que j’ai dit, j’avais raison ! »
Etant féministe militante, à certains moments, la question du genre me vient en tête. Que de fois, sous prétexte que je suis une femme, un homme s’est-il permis de me donner des conseils, ou plutôt des directives, dans un domaine qu’il pense mieux maîtriser que moi ! Parfois, certains collègues masculins ne se gênent pas pour me couper la parole et/ou me conseiller avec insistance sur la façon de gérer mon activité.
Un tel ne sait pas ce que je sais faire, mais il me dit comment le faire, comme dans le paragraphe précédent. On appelle ça, le « Mansplaining ». C’est un terme utilisé par les féministes pour expliquer un comportement paternaliste et condescendant. Tiens, cela me rappelle cet homme qui me parlait de soudure (j’en fais depuis plus d’un an) en me prenant pour une idiote, une demeurée ; il a fini par...parler tout seul !
Vous devez probablement vous demander quel est le rapport de tout cela avec mes consultations ? J’y viens…
Lorsque je reçois un.e patient.e en consultation, imaginez que, dès son entrée dans mon cabinet, je lui déballe des solutions « clé-sur-porte » pour un problème vaguement abordé ;
Imaginez que je me place en maître du Savoir absolu à propos de son blocage – qui est le sien, dans son contexte, avec ses propres contraintes et ses propres filtres (expériences, éducations, principes) ;
Imaginez que cette personne ait un long, difficile et fastidieux parcours de vie – raison pour laquelle elle me consulte –, et que je vienne du haut de mon expertise lui déclarer : « Ce que vous avez fait jusqu’ici n’est pas ce qu’il fallait faire ; c’est moi qui ai la stricte connaissance ! » ;
Imaginez que je lui coupe la parole lorsqu’elle parle, ou que je lui donne des conseils dont elle n’a pas besoin ni demandé, alors que cette personne sait mieux que quiconque ce qu’elle doit ou choisit de faire ?
Imaginez encore que, sans avoir entendu l’âme de cette personne parler à travers ses mots pleins d‘émotion(s), je ne puisse décoder exactement ce que je peux lui apporter.
Comment pourrais-je répondre à sa/ses demande(s) et lui apporter une aide efficace ? Comment pourrais-je être crédible ? Car au-delà du fait de savoir écouter l’Autre, il est important que cet Autre se sente...entendu.
En guise de conclusion, Sophie Schoelinck, diététicienne, hypnothérapeute, professionnelle de la santé à Montigny-Le-Tilleul, nous partage ses réflexions personnelles et nous invite à y méditer...
L’écoute, c’est l’art de fermer sa boîte à camembert avec justesse et pertinence.
L’écoute, c’est donner le temps à l’autre d’exister.
L’écoute, c’est entendre les mots raisonner chez celui qui parle.
L’écoute, c’est une présence humaine.
L’écoute, c’est du vide qui remplit.
Et vous, vous en pensez quoi ?...
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