Je suis épicurien.ne, la diététique n'est pas pour moi! Si Epicure entendait ça, il se retournerait dans sa tombe....
Sophie Schoelinck, Diététicienne-Nutritionniste dans la commune de Montigny-le-Tilleul près de Charleroi, nous fait part de ses réflexions concernant l'expression souvent entendue en consultation : « Je suis épicurien. »
Certains patients me partagent l'idée qu'ils sont épicuriens. Ils sont dès lors convaincus que cette caractéristique comportementale pourrait être un frein à une alimentation saine et appropriée à leurs besoins, tant pour leur santé que pour leur vie sociale, y compris l’organisation qui en découle.
Cette déclaration, loin d’être anodine, nécessite un éclaircissement ; la philosophie peut nous aider à mieux comprendre ce que signifie l’expression « Je suis épicurien » trop souvent utilisée à tort. En effet, l'épicurisme est un courant philosophique qui inspire la notion-même, le fondement de la diététique.
Le terme « épicurien » vient de « Epicure », nom d’un philosophe grec du 4è siècle avant Jésus-Christ. Il est nécessaire de se pencher sur la philosophie d’Epicure et se débarrasser de l’idée trop répandue que le fait de ne pas être épicurien signifie « absence de plaisir ». Les personnes qui ignorent les origines philosophiques pensent donc à tort que l’épicurisme trouve ses racines dans la jouissance. Or, selon Epicure, le plaisir ne peut pas être atteint dans l'excès.
Être épicurien n’est pas synonyme d’être gourmand, être épicurien correspond à la caractéristique d'une personne qui sait se modérer pour ne garder que le plaisir. Il s’agit donc d’une personne capable de garder le contrôle d’elle-même pour préserver son équilibre, maîtriser la pondération et la frugalité.
PLAISIR / EPICURISME / DOULEUR
« Avoir du plaisir » peut s'exprimer à travers notre alimentation, notre consommation de certaines boissons, et dans nos échanges conviviaux. Par contre, l'expression erronée de l'épicurisme s'arrête dans la perte de contrôle et dans la douleur comme, par exemple, lorsque l’on parle du fameux « lendemain de la veille », de la « gueule de bois » ou de la «crise de foie ».
La douleur peut aussi se révéler par une mauvaise image de soi suite à une soirée un peu trop festive, trop arrosée, ou l’excès de poids résultant de notre difficulté à maîtriser notre comportement alimentaire et à exagérer la consommation boissons ayant un impact nuisible sur notre santé : alcool, sodas,...
DESIR – PLAISIR
Épicure nous aide aussi à comprendre la différence entre la notion de désir et la notion de plaisir.
Le désir est une force qui nous pousse vers quelque chose dont on a envie. Un objet de désir peut être une personne, un aliment, une boisson, un vêtement, un bijou, une voiture,...
Le désir résulte d'un manque intérieur : « On désire ce que l’on n’a pas ».
Le plaisir est le résultat de la satisfaction du désir ; c'est la conséquence de l'expression du désir.
Selon Epicure, il y aurait trois sortes de désirs :
- les désirs naturels et nécessaires, comme le fait de désirer manger.
- les désirs naturels mais non nécessaires, comme par exemple le fait de désirer manger une entrecôte, avec une bonne sauce au roquefort, avec un verre de vin, est dans la normalité pour Epicure, si c'est dans la modération.
- les désirs non naturels et non nécessaires, comme par exemple le fait de désirer manger une entrecôte, avec une bonne sauce au roquefort, avec un bon verre de vin, mais dans une assiette en argent, avec des couverts incrustés de pierres précieuses,…
On remarque facilement, ici, la notion d'excès. Pour Epicure, cette troisième catégorie est le reflet d'une dégénérescence, un dérèglement ou le signe d’une pathologie. Exemples :
- L'alcoolisme dans le cadre des addictions
- L’orthorexie (pathologie du comportement alimentaire) dans le cadre des perversités.
- Les dérives dans les habitudes de certaines consommations
- Les désirs non naturels et non nécessaires sont l'expression de la passion. De ce fait, on peut aisément comprendre que l'épicurisme est la philosophie de l'économie de la frugalité et des plaisirs, et qu’elle est la maîtrise de soi.
Il s'agit de maîtriser son désir, et non pas être maîtrisé par son désir qui s’apparenterait alors à une soumission.
MAîTRISE DU DESIR – DESIR QUI MAITRISE
Dans la société actuelle, l'objectif du « désir qui maîtrise » est le but de la société de consommation et du conditionnement marketing. Concrètement, nos centres commerciaux sont des endroits où tout est mis en œuvre pour induire le désir de consommation.
Ce qui nous anime particulièrement, ici, concerne l'alimentation et nous retrouvons le même objectif dans les salons de l'alimentation, les grandes surfaces, les marches gourmandes, les marchés de Noël,... A présent il y a même les marchés dits « locaux » où, bien souvent, produits alimentaires et boissons artisanales sont de plus en plus présents et appâtent le passant afin de titiller son « désir de consommer », autrement dit, provoquer le désir de trouver à l'extérieur de soi une satisfaction que l'on ne parvient pas à trouver en soi.
Il existe actuellement des courants, des tendances qui visent à abolir toutes les limites. Comme si la notion de plaisir devait passer par la suppression de toute forme de contrainte. Mais alors, que serait notre société si elle n'avait pas de limites ? Quelle serait notre santé, si nous n'avions pas de barrières pour consommer, pour vivre ensemble ?...
Sophie Schoelinck, Diététicienne et Hypnothérapeute, dans la région de Charleroi, nous rappelle l'importance de la notion de plaisir dans notre alimentation. Le plaisir dans l’assiette constitue un élément primordial pour une nourriture saine, sans quoi notre façon de consommer pourrait être pathologique. Elle insiste également sur le fait qu’être épicurien est diététique car il s’agit d’amener de la modération, de l'équilibre, et donc de la maîtrise dans notre comportement alimentaire. Ainsi, nous pouvons profiter de la notion de plaisir sans risquer de devoir assumer d’éventuelles conséquences négatives comme, entre autres, la souffrance qui résulte des excès.
Ce texte a été écrit suite à l'écoute des podcasts de Robin Charles, philosophe.
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