Marine, la baleine Le parcours violent d'une histoire d'image
Sophie Schoelinck, diététicienne et thérapeute à Montigny-le-Tilleul, souhaite partager ici l’histoire « romancée » de Marine (prénom d’emprunt), un condensé de quelques-uns de ses récits rapportés lors des consultations.
Marine est une jeune adulte. Lorsqu’elle se présente à la première consultation, elle est très émue, remplie d'émotion(s), parce qu’elle est ici pour parler de quelque chose qui la fait souffrir depuis toujours ; c’est un peu comme si cette souffrance était le fil conducteur de toute sa vie... Quand Marine m’en parle, elle révèle que cela se rapporte à son poids qu'elle veut, dit-elle, absolument réduire. Elle vient me voir car elle pense que c'est la dernière démarche possible qu’elle entamera pour résoudre son problème d’image, le nœud gordien de son vécu.
Marine est une femme « ronde ». À travers son discours, elle exprime que son poids est un tourment, un combat de tous les jours (aussi loin qu’elle s’en souvienne !) mais que, paradoxalement, cette préoccupation « ne lui appartient pas » car c’est le regard des autres qui lui fait prendre conscience qu'elle n'entre pas dans « le moule ».
Elle raconte une anecdote marquante pour elle, celle d’une visite médicale au cours de laquelle le médecin lui a maladroitement fait remarquer qu’elle était « trop forte ». Tout en prenant son bourrelet de graisse péri-abdominale entre les doigts, en l’agitant de haut en bas il lui a dit d’un ton de reproche peu délicat : « Tout ce gras, là, autour des hanches, c'est trop ! » Elle se sent humiliée, et le vit très mal. Avant cet incident, elle n'avait jamais pris conscience de cette chair en excès, et c'est sans doute l’élément déclencheur qui lui a fait réaliser qu'elle n'était pas comme elle « devrait » être.
Un deuxième épisode douloureux pour Marine survient un peu plus tard, dans la cour de récréation. Alors qu'elle avait un « Crush », c’est-à-dire une forte attirance pour un garçon, celui-ci l'avait repoussée en se moquant d’elle, lui disant qu'elle ressemblait à...une baleine !
Marine qui, au départ, se sentait bien dans sa peau, s’est mise à douter d’elle et à se dire qu’elle ne pourrait sans doute jamais avoir accès à certaines choses, comme ses copines, notamment séduire un garçon en étant elle-même.
Sa maman, très attentive à son image, et d'ailleurs toujours au régime (Marine repense à ces courgettes immondes cuites à l'eau, qu'elle ne supporte plus voir dans son assiette) l'a emmenée en consultation de nutrition à l'hôpital. Marine évoque le bureau blanc où elle devait rendre des comptes au médecin qui l'interrogeait sur son alimentation avec un ton inquisiteur. C’était très désagréable. Il expliquait qu’elle devait impérativement exclure certaines denrées et en manger d'autres. Elle devait dire adieu aux biscuits et chocolats qu’elle aimait tant, et ne devait plus boire que de l'eau. C’était d’un triste !...
Sa maman respectait strictement les consignes médicales dictatoriales en brandissant des menus hautement « Gastrono-monstratiques »!
Marine se souvient avec désolation, du profond sentiment d'injustice qu'elle ressentait quand elle était face à ses assiettes. Contrairement à ses frères et sœurs, elle n'avait pas le droit de choisir ce qu'elle allait pouvoir manger avec envie. Ses repas étaient dénués de plaisir, d’émotions positives ; un vrai supplice ! Elle ressentait de la colère envers les autres, qui décidaient arbitrairement de ce qui était bien pour elle et lui dictaient ce qu’elle était censée faire pour in fine correspondre à des attentes qui n’étaient pas les siennes.
Elle n'avait jamais ressenti de mal-être dans ce corps si critiqué par les autres. Et malgré la sensation d'étouffement quand elle était à table, car c'était un moment anxiogène, Marine observait discrètement son entourage. Elle sentait le regard auto-satisfait que sa mère posait sur elle, (r)assurée du sentiment de bien faire. Marine pensait que pour se sentir aimée de sa maman il était nécessaire qu'elle lui obéisse et réponde aux attentes de celle-ci. Les repas sont longtemps restés source d'anxiété, et Marine est toujours restée...ronde.
Finalement, si on additionne les kilos, elle en a bien perdu plus d’une centaine ! Elle a également écumé plusieurs cabinets de consultations diététiques. Avec le temps, l'alimentation est devenue comme un refuge, quelque chose qui après tout n’appartenait qu’à elle ; c’était sa façon bien à elle d’exister. Et elle raconte encore...
Elle aimait se cacher dans le grenier de la maison. C’était son antre. Elle avait dissimulé les chocolats reçus lors des fêtes de fin d'année dans ce petit coin secret où, cachée de tous, elle ressentait un vrai moment de jouissance personnelle en se délectant des sucreries qu'elle avait réussi à accumuler comme un trésor, tel un écureuil à l’approche de l’hiver. Elle avait compris qu’elle ne pouvait compter que sur elle pour se faire plaisir. Marine s'en souvient avec beaucoup de tendresse et même (petit sourire aux lèvres) avec un brin de fierté car elle avait trouvé une solution, selon elle, intelligente pour déroger aux lois du diktat de la prétendue beauté féminine. Un vrai pied-de-nez !
Depuis, Marine a parcouru de nombreux chemins de tortueux. Elle a rencontré, en vain, différentes personnes censées l’aider car elle était toujours en quête de satisfaire une attente venant d’autres qu’elle-même : sa famille, les collègues de travail, une relation affective. Sans succès. Elle avait, ancré en elle, l’idée opiniâtre d’être obligée de répondre favorablement à l'attente des autres pour se sentir aimée. Dès lors, le bonheur qu’elle éprouvait lorsqu’elle se délectait en cachette lui renvoyait la perception frustrante et cruelle que son corps EST repoussant, et qu’il ne correspond pas aux critères de beauté qu’impose la société. Nonobstant, elle ressent un immense besoin d’amour. Un amour qu’elle a encore difficile à « se » donner…
Depuis le temps que nous cheminons ensemble, Marine et moi, elle a bien changé. Elle est maintenant capable de passer du temps avec d'autres personnes sans se demander ce qu'on pense d’elle et de son apparence. Elle se coiffe, elle se maquille, elle met des robes, des tenues qui la valorisent ; elle retrouve le plaisir d’aller dans les magasins et parvient à ne plus focaliser sur son poids, bref, elle sait se mettre en valeur.
Aujourd'hui, Marine a décidé de se réapproprier son corps, sa féminité, et de se distancer des attentes des autres « pour son bien ». Elle a décidé de faire (enfin) la paix avec l’image de ce corps que le miroir d’autrui lui renvoie, SON corps. Enfin, elle se trouve jolie dans cette enveloppe corporelle qu'elle a rejetée pendant des années.
A présent, Marine sait profiter d’un repas familial tout en passant un moment agréable, sans culpabiliser, sans se demander ce qui va se passer si elle a « mal mangé » ou si elle n’a pas anticipé la composition « idéale » de son assiette. Elle est capable de ne plus trop penser à l'alimentation, à ses repas, de manière obsédante tout au long de la journée. Elle parvient à faire ses courses sans stresser, sans se demander à tout bout de champ ce qu'elle peut manger ou pas. Elle peut vivre en paix avec son compagnon sans être gênée de son corps. Même s’il reste du chemin à parcourir, Marine qu’elle ne doit plus avoir recours à des artifices ou à satisfaire prioritairement les désirs de son compagnon pour se sentir digne d'être aimée. Elle a pris conscience qu'elle est, elle aussi, un être humain à part entière qui n'a pas besoin de se modeler selon les attentes de la société. Marine sait qu'elle est digne de l’amour de l’Autre et des autres, mais avant tout, digne de l’amour qu’elle peut se porter à elle-même.
Sophie Schoelinck, nutritionniste et hypnothérapeute dans le cadre du poids soutient depuis plus de 20 ans dans la région de Charleroi, des patients en mal être face à leur image, à leur poids et à la perception de leur corps. Voici quelques phrases en partage :
« Beauty is in the eye of the beholder » (La beauté est dans l’œil de celui qui regarde) disait Oscar Wilde ; Marine, c'est un rayon de soleil.
Marine, c'est une personne attendrissante.
Marine, c'est une tellement belle personne !
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