La diététique, sexe et normes sociétales
Sophie Schoelinck diététicienne-nutritionniste et praticienne en hypnose sur la région de Charleroi aborde la diététique sous un angle peu commun.
En tant que féministe, je vous parle en tant que femme cisgenre, hétérosexuelle, je rencontre des femmes en consultations de diététique et de nutrition depuis 21 ans. Je vous partage mes réflexions :
Et si la diététique était sans s’en apercevoir un outil au service du patriarcat?
Depuis quelques années maintenant, bons nombres d’émissions, de podcasts, d’articles, de livres attirent l’attention sur les questions qui traitent de consentement, d’égalité de genres, de féminisme. Ces sujets qui me touchent particulièrement et m’ont poussé à être active dans ce domaine. En laissant, à travers les cercles de paroles, la liberté aux femmes de disposer d’un espace pour déposer, écouter et partager leurs histoires, leurs récits de vie, leurs questionnements.
Ces sujets font aussi quotidiennement l’objet de réflexion lors des consultations de diététique depuis le début de mon activité professionnelle. La majeure partie de ma patientèle est féminine et consulte pour son poids afin de maigrir. Cette phrase paraît peut-être évidente mais pas pour un.e diététicien.ne car la motivation première de notre métier consiste à aider les patients-clients à contribuer à leur santé par l’alimentation et non pas pour contrôler un poids pour des raisons esthétiques. Mais il a fallu s’adapter à la demande puisque plus que probablement nous en avons les épaules pour guider dans ce domaine.
J’ai abouti à me questionner sur l’équité de genre dans la vie quotidienne. Pour beaucoup d’entre nous, la norme consiste, encore et toujours, malgré les années de militantisme féminisme, à ce que la femme supporte l’organisation et la création des repas, la préparation des repas, le rangement ainsi que la gestion des stocks de matières premières avec les courses alimentaires. A cela s’ajoute d’autres contraintes comme les goûts de chaque individu qui compose le ménage, les activités extra-scolaires chronophages et le temps restant si tant est que la femme a un besoin de réalisation professionnelle possible à caser. Pour beaucoup de femmes, ces habitudes inculquées depuis plusieurs générations ne sont pas modifiables même si la majorité s’en plaint.
De mon expérience, la femme hétérosexuelle qui souhaite perdre du poids est « coincée » entre le devoir de répondre à ses « obligations » dictées par la société patriarcale, ou la femme reste positionnée comme sujet majeur de la plaque tournante familiale, et ses désirs d’autonomie. On attend d’elle qu’à la maison, tout roule et notamment qu’elle assume cette tâche lassante et récurrente de subvenir aux besoins alimentaires de la famille.
Autonomie et liberté, parlons-en! Si nous nous questionnons sur la notion de poids et d’esthétique. Bon nombre de femmes qui consulte finisse par admettre que le regard qu’elle pose sur elle-même, sur son corps, dépend aussi du regard des autres. Certaines expriment leur désespoir de ne pas rentrer dans les tailles imposées par les marques courantes et abordables, d’autres usent et abusent de shopping thérapeutique à la recherche de la solution magique qui permettra de les faire atteindre une image d’elle-même fantasmée ou de sport intensif et régulier voir même de techniques qui ventent un amaigrissement transcendant au prix de leur rêve.
Mais est-ce de la faute de la femme ? Après quoi court cette femme prisonnière de son corps qui n’est jamais assez bien pour la satisfaire ? Est-ce que réellement cette femme a un corps qui lui appartient ?
En tant que fille, nous recevons depuis notre enfance des messages qui nous programment à cette violence envers nous-même. A la fois parce que les jeunes filles sont hypersexualisées depuis le plus jeune âge : des basses résilles, des croptops, des maquillages bio qui partent à l’eau, des vêtements comme maman, …
Elles ressentent tôt que leurs corps sont regardés, validés ou critiqués, comparés, …que le corps féminin est un objet de désir, de prédation. Et qu’il est selon la société bien plus intéressant d’être mince, belle, valide et épilée. Nos jeunes filles perçoivent que la société leur propose de prôner leur apparence comme on brandit un passeport à l’intégration sociale. Alimentant alors, la rivalité entre filles, femmes par l’image au lieu de proposer une autre forme d’intégration, celle de la sororité par le biais de la diversité et de la pluralité.
Simone de Beauvoir a développé cette citation « On ne naît pas femme : on le devient » dans son livre publié en 1949 : Le Deuxième Sexe. En tant que femme, serions-nous toujours en train de nous conformer aux attentes dominantes de la société par des normes qui nous enlèvent notre individualité, notre singularité à travers notre image. Est-ce que lorsque l’on désire rentrer dans un 36, c’est alors le signe que nous serions enfin une femme digne de ce nom ? Contrairement aux hommes qui malgré leur surpoids, ne sont pas remis en question sur leur virilité.
Dès lors que la diététique soumet les corps à des chiffres et des normes, ne serions-nous pas, bien malgré nous, des acteurs favorisants ces comparaisons physiques ? Si ces critères engendrent une injonction paradoxale, comme celle d’être bien dans son corps dans un cadre déterminé, celui par exemple d’un rapport poids/taille idéal. Sous-entendu : « Si ces critères ne sont pas atteints alors vous ne pouvez pas être bien dans ce corps car il ne répond pas à la moyenne santé.
En dépit de cette culture de bienveillance qui tente d’exister, réside des injonctions dominantes à travers les bonnes pratiques esthétiques du corps véhiculées aussi par des femmes prônant l’apparence comme vertus. La gent féminine est amenée à se sentir dépossédées de son propre corps en visant constamment à être une bonne marathonienne dans la course au poids.
Il me semble que nous devons en tant que diététicien.ne aider chaque personne qui se présente à nous, avec l’attente d’une perte de poids, à comprendre que nous sommes des sujets vivants avec chacune nos particularités observant notre beauté dans nos différences.
Sophie Schoelinck, professionnelle de la santé depuis plus de 20 ans dans la commune de Montigny-le-Tilleul suggère que les professionnels de la santé et en particulier de la nutrition puissent sensibiliser à la réappropriation du corps et à l’émancipation par le refus des normes patriarcales.
Au plaisir de vous aider à vous libérer!
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